Operation fondue de canard
 Ou le franchissement des Alpes à bord du Piper Cub OO-CEK. 

Récit complet de Yves Cartilier de l'article paru dans la Newsletter #13 

Le décor 

Le choix des modifications apportées au OO-CEK, un moteur plus puissant, une bonne radio, un transpondeur et des réservoirs supplémentaires, étaient essentiellement guidés par ce que je voulais faire avec lui, c’est à dire franchir les Alpes et descendre en Italie. Malgré ces améliorations, ces vols n’étaient pas banals et resteront des moments forts dans ma carrière. 
 
Avant d’aborder la montagne, la plus haute altitude que j’avais atteint avec cet avion était 5000 pieds. « Théoriquement » le CEK doit pouvoir monter à plus de 10.000 pieds, mais… A partir de 5000, avec deux adultes à bord et des réservoirs à moitié pleins, il n’a déjà plus trop envie d’aller plus haut. Il est vrai que l’on atteint très vite sa masse maximum admissible, et que les nombreuses petites bosses sur les bords d’attaque de ses ailes, résultat de son grand âge, ne font rien pour améliorer ses performances. Mais pour passer les Alpes en sécurité, je devais prévoir de grimper à plus de 9.000 pieds… 
 
La préparation

La préparation de ces vols VFR (selon les règles de vol à vue) prend plus de temps que pour des vols IFR (selon les règles de vol aux instruments). Cela m’a pris deux jours entiers ! Il est vrai que je fais partie de cette race en voie de disparition qui passe encore son temps à lire tous les AIP. (Informations Aéronautiques officielles). 
 
Les tracasseries administratives, toujours plus nombreuses de nos jours, ne font rien pour faciliter la tâche des pilotes de ce genre d’avion. L’espace aérien moderne n’est pas adapté à une machine construite en 1944. Pour chaque franchissement de frontière, le plan de vol est obligatoire, même si l’on vol en dehors de tout espace aérien contrôlé, et même si l’on reste dans l’espace Schengen. Quand on sort de l’espace Schengen, ou EU (la Suisse est Schengen mais non-EU) il faut demander un dédouanement à l’entrée et à la sortie, et passer par un aérodrome douanier. Cela restreint le choix des escales, car en plus il faut tenir compte de l’avitaillement, qui devient de plus en plus difficile par la disparition des pompes d’AVGAS (essence aviation). 
 
Pour la première partie du voyage, jusqu’à Gruyère en Suisse, j’avais prévu trois routes en fonction de la météo. Une à l’ouest en passant par Reims et Dijon, une plus courte au centre par Nancy et Pontarlier, et une plus longue à l’est, par Strasbourg et Bâle. Cela fait beaucoup de lecture AIP, mais pour moi cela fait partie du plaisir. J’adore étaler mes cartes sur la table du salon, et préparer calmement ces vols en écoutant de la musique classique. J’avais prévu 5 escales carburant, sélectionné et contacté les gestionnaires de 11 aérodromes, demandé 6 autorisations de douanes et déposer 4 plans de vols. Bien que ce soit recommandé, quand ce n’est pas obligatoire, je ne dépose pas de plan de vol. Sinon, pour ce voyage j’aurais dû en préparer 15 ! Dans les espaces non-contrôlés, je préfère monitorer et appeler les fréquences information seulement si nécessaire. Ces fréquences sont généralement surchargées de trafic et les informations y sont souvent plus dérangeantes que vraiment utiles. En fait, tout dépend de l’expérience des contrôleurs et des pilotes qui y circulent. Le WE, jours de sorties des ULM, dans certaines zones, c’est le chao sur la fréquence. De plus en plus, l’espace aérien européen est remplis de ces nouvelles zones, les TMZ, où même si vous ne contactez personne, le transpondeur est obligatoire. Donc de toute façon, « big brother » veille sur vous… 
 
La première partie

La météo était avec nous, j’ai donc choisi la route la plus courte via Nancy-Essey et Pontarlier. Le premier vol c’est déroulé sans histoire. J’ai décollé de Saint Hubert avec Nico comme passager, direction Nancy. Comme prévu les fréquences informations étaient saturées de communications chaotiques et inutiles. L’est de la France est encombré de bases militaires et de zones de vol à basses altitudes réservés aux avions de chasses. En semaine ces zones sont actives et il faut les contourner. Ce n’est pas toujours facile avec un avion comme le Piper Cub, qui ne se sent bien justement qu’aux altitudes qui correspondent à ces zones. Mais je fus bien inspiré de partir un peu plus à l’est et du coup nous fûmes pris en charge par le radar de Luxembourg. Fini les messages chaotiques, plus rien que le stricte nécessaire. Nous sommes arrivés dans les zones de Metz et Nancy pendant la pause de midi des militaires. On a donc pu faire un direct vers Nancy-Essey. L’aérodrome de Nancy-Essey est en zone très urbanisée, il faut faire attention aux riverains et au bruit. Arrivée en même temps qu’un Piper allemand, plutôt paumé avec toutes ces procédures très franco-françaises. Il n’avait pas assez lu les AIP !... A Nancy, accueil très gentil des gestionnaires et Luc nous rejoint pour un bon petit repas. Avitaillement rapide et je redécolle vers Pontarlier avec Luc en place avant.  
 
C’est l’étape la plus longue, j’ai donc pris un peu plus de carburant, et Luc est, disons, moins maigre que Nico… Bah ! La piste de Nancy-Essey est longue… et le CEK décolle fidèlement… grâce à la courbure de la terre ! La météo reste magnifique. Je tente de faire monter le CEK pour voir comment appréhender les Alpes, … 3500 ok… 4000 toujours ok… 4500 bof… 4800 pfff, le CEK n’a plus envie d’aller plus haut… il a peut-être le vertige ?...  
Arrivée à Pontarlier sans encombre. Là aussi accueil très sympa du gestionnaire. Nous y retrouvons un pilote français avec une magnifique réplique de Fokker triplan en provenance de La Ferté, ainsi que Joëlle et Alain avec leur magnifique J3 US NAVY en provenance de Lille. Ils ont eu comme nous l’idée de ravitailler à Pontarlier, aérodrome douanier idéale pour aller en Suisse. Sauf que ceux qui brillent par leur absence, ce sont justement les douaniers. Mais on s’y attendait, et rien ne nous oblige à les attendre. C’est classique, mais ça vaut bien la peine de faire toutes ces démarches administratives obligatoires, alors qu’ils ne viennent jamais !  
 
Nous décidons de faire le dernier tronçon en formation avec Joëlle et Alain. Une arrivée à Gruyère à deux Cub tout jaunes c’est sympa. Nico est en place avant, nous avons moins de carburant, et nous sommes plus légers. Cela tombe bien, il faut monter un peu pour passer en Suisse.  
Est-ce Nico qui lui fait cet effet-là ? Le CEK grimpe rapidement à 5000 pieds pour passer allègrement les crêtes du Jura. Une longue et calme descente au travers du canton de Vaud, et nous découvrons le terrain de Gruyère, bien dissimulé au milieu des prairies suisses. Avec les montagnes tout autour du circuit, le château de Gruyère qu’il faut contourner en vent-arrière, le grand versant à éviter en étape de base, la ligne à haute tension en finale, l’axe décalé, la piste en herbe étroite et courte… le circuit d’atterrissage à Gruyère est technique, spectaculaire, et magnifique ! Nous allons passer un excellent WE à RIO 2022! 
 
La seconde partie

L’objectif est l’aérodrome de Biella dans le Piémont, entre Turin et Milan. 
 
Au départ de Gruyère, j’ai identifié quatre routes possibles. Une par l’ouest du Mont Blanc, via Albertville et la vallée de la Maurienne, entre le Parc de la Vanoise et le Parc des Écrins. Cette route qui débouche à l’est de Turin est certes la plus longue et la plus compliquée, mais elle est aussi la moins dangereuse, car la moins exposée aux vents de vallées qui chassent à l’est du Mont Blanc l’après-midi. Mais surtout c’est celle qui m’était recommandée par mon ami Mario qui a traversé les Alpes en L-18 une bonne dizaine de fois. Le col à passer, près du Lac du Mont-Cenis culmine à 2100m, il faut donc monter à 7900 pieds pour passer en sécurité avec le Cub. 
 
La seconde route est par le col du Simplon. C’est celle que je connais le mieux, car c’est près de chez moi et j’ai passé ce col de très nombreuses fois en voiture, me disant à chaque fois qu’un jour je le franchirais en Cub. Il faut monter à 7600 pieds pour le franchir, c’est le plus bas des quatre passages. Je l’ai également déjà franchi avec le Catalina, mais le PBY il a deux moteurs de 1200cv… Dans sa partie italienne vers le Val d’Ossola, la vallée devient étroite et il faut rester très vigilant pour les rabattants. Mais quand on débouche sur le Lac Majeur, au-dessus des iles Borromées, c’est vraiment magnifique.  
Un autre avantage de ce passage est qu’il est entièrement sous la surveillance d’un système de prévision météo GAFOR. Ce system, qui n’est utilisé régulièrement qu’en Suisse, est d’une très grande aide pour les pilotes, car il donne des informations non pas en des points précis, mais bien le long d’une route définie. C’est parfait pour le vol en Montagne.  
Ce passage est aussi celui du premier franchissement des Alpes en avion, par Jorge Chavez en 1910, qui s’est malheureusement tué à l’atterrissage à Domodossola.  
L’inconvénient de ce passage pour moi est qu’il est assez long au départ de Gruyère, et qu’il m’oblige à un stop à Sion. Le dédouanement en Italie est compliqué de ce côté, car il n’y a pas beaucoup d’aérodromes douaniers. 
 
Les deux derniers passages se trouvent à l’est du Mont Blanc. Ce sont le Grand Col Ferret (2537m) et le col du Grand Saint-Bernard (2469m). Ils ne sont pas loin l’un de l’autre et débouchent tous les deux dans le Val d’Aoste. Je peux facilement dédouaner, à l’aéroport d’Aosta du côté italien. L’avantage de ces deux cols est que la navigation y est très facile, il suffit de remonter la vallée du Rhône au départ du Lac Léman, et au virage de Martigny de continuer plein sud en montant à … 9000 pieds ! Et oui, c’est là qu’est l’os. Ce sont les deux plus hauts des quatre. Mais aussi les deux plus dangereux. Ils sont assez encaissés, il faut bien longer les flancs de vallées sinon, en cas de problème, un demi-tour est très dangereux. Ils sont aussi des nids à turbulences, surtout l’après midi par vent de sud-ouest. Quand le soleil tape sur le flanc ouest du Mont Blanc, il peut y avoir de forts vents catabatiques du côté nord de ces cols. 
 
Bref… en arrivant en Suisse, je ne savais pas encore par lequel je passerai. 
 
Rencontres décisives

Pour ne pas affronter les Alpes sans arme, j’ai fait un stage de vol montagne dans les Dolomites avec un instructeur Italien, lui-même formé dans la pure tradition des écoles suisses et françaises. C’est en effet en Suisse et en France dans les années 50, que des pilotes devenus de véritables légendes, comme Herman Geiger et Henri Giraud, ont tout découvert. Ils ont établi la théorie du vol montagne qui reste encore aujourd’hui la base qu’il faut connaître avant de s’y risquer. 
 
Ce stage, je l’avais fait sur un Aviat Husky de 180cv. Mais avec un Cub de 90cv, c’est un peu plus délicat. En altitude, comme la densité de l’air diminue, la puissance nécessaire pour garder la même portance augmente, tandis qu’à l’opposé, la puissance disponible diminue avec la pression d’admission. A 9.000 pieds, la perte de puissance étant de 30%, en MCT (puissance maximum en continu), il me reste environ 45cv. 
 
A Gruyère, j’ai rencontré le chef-pilote des instructeurs de montagnes qui connait parfaitement tous ces passages et aussi les performances de tous les modèles de Cub. Il était catégorique : "avec ton Cub, n’essaies pas de passer avec un passagers" ! Il m’a aussi briefé sur les conditions réputées dangereuses et regardé avec moi les prévisions. J’avais un bon créneau météo pour le dimanche matin. Pour me mettre à l’aise un autre instructeur va me proposer un vol en formation avec le Super-Cub de leur club. C’est de ce vol que viennent les superbes photos du CEK que vous voyez ici.  
 
On se lance ! 
 
Les prévisions du dimanche matin sont bonnes, un vent quasi nul et une légère couche nuageuse sur les sommets. C’est décidé, ce sera le Grand Saint-Bernard. 
Pour atteindre Biella, je ferai 2 étapes pour le dédouanement et l’avitaillement. Ce sera Annemasse en France, et Aosta en Italie. Ainsi, Luc et Nico pourront profiter du premier et du dernier vol, tandis que je passerai le col seul à bord.  
 
Premier vol avec Nico, Gruyère-Annemasse. Décollage plein sud, tout droit dans la vallée de la Sarine. Le décor est planté immédiatement, nous grimpons lentement vers 6000 pieds entourés de sommets qui nous surplombent à plus de 1800 mètres. Il faut sortir de cette vallée par l’ouest pour rejoindre le lac Léman. Ce sera par le lac de l’Hongrin. Ainsi je pourrai montrer les Tours d’Aï et de Mayen à Nico. J’adore ces deux tours de granite qui trônent comme deux sentinelles gardant l’entrée de la vallée du Rhône, et l’accès vers la véritable haute montagne. Je connais ce coin pour y avoir "joué" avec le B25 au départ de Sion. Le "jeu" consistait bien sûr à passer entre les deux tours avec le B25 pour rejoindre Sion.  
Nous débouchons sur le lac Léman et la vue soudaine sur cette mer intérieure est splendide. Je suis cependant surpris car je ne me souvenais pas qu’il y avait si peu d’espace disponible entre la montagne et le sud du lac. Il faut survoler le lac, et en cas de panne moteur il n’y a pas d’autre choix que la baignade. L’arrivée à Annemasse fut sans incident. Il fallait juste bien respecter les circuits, car là aussi l’urbanisation est importante et les oreilles des riverains sont sensibles.  
 
Le passage 
 
J’ai donc abandonné Nico et Luc à l’entrée du tunnel du Mont Blanc, rendez-vous de l’autre côté. Décollage vers le nord-est pour rejoindre la vallée du Rhône en amont du Léman. Mais cette fois, je vais éviter le survol de l’eau et la rive escarpée du sud du lac. La météo est excellente et je décide de couper vers le sud-est pour rejoindre la vallée entre Bex et Martigny. Je passe un premier petit col à 3000 pieds et je m’engage dans cette magnifique région de Haute-Savoie. Je survol ces lieux qui évoquent les sports d’hivers, Avoriaz, Morzine, Chatel… et je débouche enfin au nord de Martigny, les choses sérieuses commencent.  
 
Le bon mélange

Sur les Piper L-4, quand il y a une seule personne à bord, s’il s’assied devant, le centre de gravité se trouve en dehors de l’enveloppe de centrage de l’avion, rendant son pilotage dangereux, voire impossible. Pour cette raison, quand le pilote est seul à bord, il doit toujours être en place arrière. Oui mais… Il y a alors trois commandes qui sont inaccessibles depuis le siège arrière : la commande du « primer » de démarrage, le calage altimétrique et la commande de « mixture » du carburateur. Pour les deux premières, il y a des solutions. Le primer n’est utilisé qu’avant le démarrage et doit rester bloquer pour le reste du vol. Le calage altimétrique, si on l’affiche avant de décoller et pour un petit vol à faible vitesse, les variations de la pression atmosphérique de référence restent faibles, et les corrections de l’erreur altimétrique sont gérables. Pour le réglage de la mixture c’est une autre histoire. Cette commande à deux fonctions, étouffer le moteur quand on l’arrête, et ajuster le mélange air-essence en fonction. Quand on monte, la densité de l’air diminue et le mélange air-essence devient trop riche.  
 
Donc, comme prévu, en passant 6000 pieds en montée au-dessus d’Avoriaz, le moteur se met à "tourner carré". Ronflement, vibrations, perte de puissance, il faut appauvrir le mélange avec la commande de mixture. Et c’est là que je peux dire que j’ai franchi les alpes assis sur une sauterelle et grâce à un bout de ficelle. J’ai attaché le bouton de mixture à une tige métallique à l’aide d’un bout de ficelles. Ce système « D » fonctionne parfaitement pour régler le mélange, je peux mettre le cap vers le col.  
 
Arrivé à Martigny, je fais face à une énorme barrière de montagne. Je quitte la large vallée du Rhône et m’engage dans une étroite vallée qui grimpe très rapidement vers le sud. J’atteints 7.000 pieds, il me faut encore monter plus haut. A ma droite l’énorme massif du Mont Blanc culmine à 15.800 pieds, à ma gauche le Grand Combin, à 14.200 pieds. Ils sont beaucoup plus impressionnants vu d’en bas d’un cockpit de Cub, que d’en haut d’un cockpit d’Airbus… Sur la fréquence, j’entends d’autres avions, plus légers et équipés de moteurs plus puissants que le mien. Ils annoncent quitter le massif, car des nuages accrochent les crêtes. En effet, je commence à distinguer le col du Grand Ferret et des nuages cachent les sommets qui l’entourent. Mais le passage est dégagé et le franchissement est possible. Un moment j’hésite à partir sur la droite vers le Ferret. Mais je dépasse 8000 pieds et je sens que le CEK est à la peine. Je sais le Ferret un peu plus haut que le Saint Bernard, et bien que je ne le voie pas encore, je maintiens ma navigation vers ce dernier. 8500 pieds, moteur en puissance maximum continu, vitesse de meilleur montée… Mais je ne grimpe plus ! Je suis dans un courant descendant. Il y a une belle ligne nuageuse sur la crête à ma gauche. Je me rapproche alors du flanc de montagne ensoleillé, et là, çà marche ! Mon vario redevient positif. J’ai pris "l’ascenseur" comme l’appel les pilotes de montagne. Ce sont ces ascendances thermiques bien connues des pilotes de vol à voile, et qui se matérialisent au-dessus des surfaces ensoleillées. Mais plus je me rapproche du col, plus la couverture nuageuse est importante, et les ascendances disparaissent. Je survol le Lac des Toules, 8800, 8900… 9000… plus qu’un petit effort… 9200 pieds… J’entre dans un grand cirque de montagnes, mais pas de passage, où est le col ? Il doit être à droite derrière le mont Saint-Bernard ! Ca y est ! Il se dévoile soudainement à l’arrière de l’Auberge de l'Hospice. Je soulage les commandes en plongeant lentement dans un large virage à droite. Je sens immédiatement le CEK se réveiller, il respire. Je n’ai plus qu’à le laisser descendre vers le Val d’Aoste. L’atterrissage se fait en douceur sur une piste surdimensionnée pour le Cub. Je ne peux m’empêcher de lâcher sur la fréquence à l’étonnement du contrôleur : « je suis très heureux d’être ici à Aosta ». Je retrouve la même satisfaction que lors de mes premiers vols solos il y a 35 ans. 
 
Au moment précis du passage du col, j’ai éprouvé une émotion à laquelle je ne m’attendais pas. En décrivant ses propres vols en montagne, Saint-Exupéry écrivait : « l’apparition soudaine d’un amour spontané dont l’objet est un mystère ». Était-ce de ce même sentiment que j’ai éprouvé dont il parlait ?  
 
La dernière étape

Luc remonte à bord et nous décollons de Aosta en direction de Biella. La navigation est facile, il suffit de descendre la vallée. Mais dans cette vallée il y a souvent des turbulences. Aujourd’hui, on est bien secoué, il y a 20 kts de vent dans la vallée ! Mais Luc n’en est pas à son premier vol, et ça l’amuse plutôt. La sortie du Val d’Aoste est donc plus longue, mais dès que l’on débouche dans le Piedmont, le vent s’estompe et l’atterrissage à Biella se fait dans le calme. Le directeur de l’aéroport me connait et il nous accueille avec beaucoup de gentillesse. Le OO-CEK est rapidement poussé dans le fond d’un grand hangar. Il y sera basé pour quelques mois, et je ferai encore beaucoup de vol avec lui au sud des Alpes pendant tout l’hivers. 

Ci-dessus: OO-CEK prêt pour le vol à St Hubert
Ci-dessus: vol de St Hubert vers Nancy-Essey
Ci-dessus: départ de  Nancy-Essey et arrivée à Pontarlier, où nous ne sommes pas les seules à y passer avant de nous rendre à Gruyère.
ci-dessus: vol en formation avec Joëlle et Alain. Passées les crêtes du Jura une longue  descente au travers du canton de Vaud, nous amène au terrain de Gruyère. Avec les montagnes tout autour du circuit, le château de Gruyère qu’il faut contourner en vent-arrière, le grand versant à éviter en étape de base, la ligne à haute tension en finale, l’axe décalé, la piste en herbe étroite et courte… le circuit d’atterrissage à Gruyère est technique, spectaculaire. 
Ci-dessus: A Gruyère nous prenons part au meeting  RIO 2022, ce qui nous permet de découvrir de près de belles machines.
Ci-dessus: Départ de Gruyère direction Annemasse. Décollage plein sud, tout droit dans la vallée de la Sarin, nous grimpons lentement vers 6000 pieds entourés de sommets qui nous surplombent à plus de 1800 mètres.On sort de la  vallée par l’ouest pour rejoindre le lac Léman